Leçons et recommandations des pays africains dans la gestion de la COVID-19 dans le sous-secteur du DCTP

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Aperçu de l’impact de la COVID-19 sur la formation technique et professionnelle en Afrique

Le Pôle de qualité inter-pays de l'ADEA sur le Développement des compétences techniques et professionnelles (PQIP-DCTP) a initié une consultation à l’endroit de ses points focaux pays entre juin 2020 et juin 2021, afin de suivre et évaluer les réactions des pays membres du PQIP-DCTP face à la crise sanitaire mondiale liée à la COVID-19 qui a commencé en décembre 2019.

Il ressort de ces consultations que depuis l’année 2020, la COVID-19 a beaucoup affectée la formation technique et professionnelle dans les pays membres du PQIP-DCTP (Benin, Botswana, Burkina Faso, Cameroun, Cote D’ivoire, Ghana, Liberia, Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Niger, RDC, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Tchad, Togo, Tunisie).

En effet, la pandémie de COVID-19 a fait subir aux systèmes éducatifs un choc sans précédent dans l’histoire, bouleversant la vie de près de 1,6 milliard d’élèves et d’étudiants dans plus de 190 pays sur tous les continents. Les fermetures d’écoles et d’autres lieux d’apprentissage ont concerné 94 % de la population scolarisée mondiale, et jusqu’à 99 % dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire inférieur.

« Cette crise sanitaire révèle comme limites de la formation professionnelle de mon pays le Burkina Faso : Le manque de laboratoires et d’ateliers numériques ; des systèmes d’évaluation pas toujours adaptés ; les contenus de la formation professionnelle et technique ne sont pas numérisés pour toutes les classes » Bailou Diata Conseillère technique, MEAPL, Burkina Faso

Et, partout dans le monde, cette pandémie a mis à nu les vulnérabilités sous-jacentes de nos systèmes éducatifs et leurs difficultés à s’adapter rapidement à l’apprentissage virtuel et à distance. Dans la plupart des pays membres du PQIP-DCTP, l’absence de plans d’urgence pour la gestion d’une crise de cette ampleur fut l’un des points faibles de toutes les institutions éducatives. Mais, si la réponse à la crise fut assez rapide pour assurer la continuité de l’éducation dans le sous-secteur de l’enseignement général ; l’enseignement, la formation technique et professionnelle (EFTP) a eu du mal à se poursuivre dans presque tous les pays membres du PQIP-DCTP.

« La crise sanitaire a entrainé la suspension des cours dans le sous-secteur de la formation technique et professionnelle au Togo durant 5 mois ». Tchalim M. TCHENDO, Directeur de la Formation Professionnelle et de l’Apprentissage

Les grands défis exigent des partenariats

Pour limiter les effets des fermetures des écoles, adapter l’apprentissage aux aléas de la crise sanitaire et renforcer la résilience du système, les partenaires au développement tels que le Partenariat Mondial pour l’Education (PME) et l’UNESCO, ont mis à la disposition des pays, des financements pour soutenir leur programme d’urgence. Pour tous les pays du monde mais particulièrement ceux de l’Afrique, l’éducation de devait pas s’arrêter même en situation de crise ! 
C’est pourquoi, l’Observatoire KIX sur les réponses à la COVID-19 a encouragé les pays à renforcer les plans d’urgence afin de mieux répondre à la crise liée à la COVID-19 ainsi qu’aux perturbations futures du système éducatif et de s’assurer que les plans de réponse reflètent les données probantes tirées des travaux de recherche et les meilleures pratiques les plus récentes.

Un exemple de pays ayant rencontré des difficultés à rapidement assurer la continuité de la formation et enseignement technique et professionnel fut le Niger. Plusieurs mois après la fermeture des centres de formation au Niger, le pays a élaboré le document cadre des plans de riposte intitulé « Plan de riposte des ministères de l’éducation et de la formation face à la pandémie de COVID-19 », qui visaient dans l’urgence, à assurer la reprise des cours et à assurer la continuité pédagogique des activités au niveau des 06 ministères en charge de l’éducation et de formation en contexte de la COVID-19.

Comment les pays membres du PQIP-DCTP ont-ils géré cette crise en interne ?

Très généralement, les plans des pays membres du PQIP-DCTP tels que la Côte d’Ivoire, la Mauritanie, le Burkina Faso, le Ghana et l’Ile Maurice, comportaient des dispositions d’ordre général essentiellement basés sur la protection et la lutte contre la maladie au sein des centres de formations pour assurer la continuité des enseignements et des apprentissages dans le sous-secteur de l'enseignement et de la formation techniques et professionnels pendant et après la crise sanitaire. 
L’enjeu était alors de combler le restant des heures et crédits de l’année scolaire en cours et de tirer les bonnes leçons pour l’élaboration d’un plan de formation d’urgence prenant en compte toutes les possibilités de remédiation des effets de la crise sur les apprenants et sur les enseignants.

Et de manière spécifique, il s’agissait de :

  • Sensibiliser et mettre à la disposition des élèves et enseignants du matériel de protection (masques, gels mains, dispositif de lave de mains etc.) ;
  • Favoriser la numérisation rapide de l’offre de formation professionnelle en adaptant les curricula de formation et en trouvant des méthodes palliatives pour assurer un apprentissage pratique ; 
  • Mettre à la disposition des étudiants des cours en ligne afin qu’ils puissent continuer par l’auto-formation les apprentissages à domicile ; et
  • Former les enseignants à la création de contenus numérique de formation.

Selon les analystes, la pandémie liée à la COVID-19 a augmenté les risques de décrochage scolaire et aggravé les nombreux défis auxquels sont déjà exposés les acteurs de l’EFTP. Les pays ont donc mené des actions pour préserver les acquis tout en encourageant constant des apprenants à la prise d’initiative. Les apprenants en EFTP ont donc pris plusieurs initiatives allant de la confection de masque réutilisables à la création de pompe à lavage massif des mains avec des mécanismes pédestre (Côte d’Ivoire et Cameroun) et également à la confection de visières.

L’exemple de l’Île Maurice ci-dessous reste édifiant. 

« En raison de la crise, de nombreuses personnes ont perdu leur emploi. Cette augmentation du chômage a amené le gouvernement à mettre en œuvre des programmes de développement des compétences pour la reconversion des chômeurs dans les secteurs à fort potentiel d'emploi. L'augmentation des ressources d'apprentissage ouvertes disponibles pour l'EFTP a contribué à accélérer l'apprentissage numérique et à améliorer la qualité chez les apprenants mais aussi chez les chômeurs. Les formateurs ont aussi pu bénéficier de cours en ligne ouverts et massifs (CLOM) dans des domaines liés à l'EFTP dans le cadre du développement du personnel. L'EFTP est donc appelé à jouer un rôle important dans la reconversion des jeunes en vue de contenir le chômage croissant dans certains pays à la suite de la COVID-19. » Sayadaly Maudarbocus, Ag Directeur MITD (Mauritius Institute of Training and Development)

Quelques leçons de pays africains dans la gestion de l’impact de la COVID-19 sur la formation professionnelle

Selon le Saliha Maïga, professeur et ingénieur de l’enseignement technique et de la formation professionnelle au Mali, « cette crise nous a montré qu’il est indispensable de développer le numérique dans toutes les institutions de formation, par l’équipement des locaux, par l’amélioration des compétences des enseignants, par l’élaboration des valises pédagogiques permettant de partager plus facilement les connaissances entre formateurs ». En plus de sa conclusion, nous avons regroupé d’autres leçons apprises par les pays membres du PQIP-DCTP dans la gestion de la crise de COVID-19 :  

  1. Cette crise a révélé l’urgence d’accélérer le renforcement et la mise en œuvre effective des plans d’urgence nationaux, visant à renforcer la résilience du système de formation professionnelle en le rendant moins vulnérable aux risques liés aux conflits, aux pandémies et catastrophes naturelles.
  2. Cette crise a également montré l’urgence de la révision de la pédagogie actuelle dans l’EFTP en mettant davantage l'accent sur l'enseignement en ligne et la formalisation des dispositifs informels de formation et d’apprentissage dans les pays africains.
  3. Cette crise a démontré que l’accès à internet est un critère crucial pour favoriser la numérisation de l’EFTP. Alors, la réduction de la fracture numérique devrait être une priorité pour les ministères en charge de l’EFTP. Mais, il reste tout aussi important que les formateurs et les apprenants soient entrainés à l’usage des outils numériques.
  4. Cette crise a aussi prouvé que les soutiens des partenaires techniques et financiers sont importants, mais il faudrait que chaque pays africain soit doté des plans d’urgence/plans de transition en plus des plans de développement, pour renforcer le partage des ressources/solutions entre les institutions d'EFTP, les entreprises privées et les partenaires.
  5. Des compétences informatiques et pédagogiques limitées de certains formateurs empêchent d’opérationnaliser la formation à distance ; il faudrait former davantage de formateurs à dispenser des formations via des plateformes numériques, radiophoniques et mobiles.

Que recommande le PQIP-DCTP aux pays Africains ?

Pour le pôle Qualité Interpays de l’ADEA sur le développement des compétences technique et professionnelle, la crise sanitaire consécutive à la COVID-19 s’est révélée être une opportunité d’évaluation du niveau de résilience de l’Enseignement et la formation Technique et Professionnelle des 19 pays membres du PQIP-DCTP. 
A cet effet, nous recommandons aux pays Africains de :

  1. Evaluer leur système de réponse et de préparation à l’enseignement à distance grâce à la « Boite à Outils sur le DCTP »  élaboré par l’ADEA,
  2. Effectuer un changement de paradigme complet, en passant de la formation technique et professionnelle (EFTP) au Développement des Compétences Techniques et Professionnelles (DCTP). 
  3. Adopter l'enseignement/apprentissage numérique pour assurer la continuité et accroître la résilience du secteur en créant des bases de données et/ou des plateformes informatives exploitables et accessibles dans des centres de formation.
  4. Collaborer pour créer plus des ressources d'apprentissage ouvertes et gratuites pour le DCTP, qui contribueront à accélérer l'apprentissage numérique, à améliorer la qualité et à rendre l’EFTP plus inclusif et collaboratif.
  5. Inclure dans les plans de développement des compétences des formateurs et des apprenants, des formations via les cours en ligne ouverts et massifs (MOOC) dans des domaines liés à l'EFTP, l’informatique et le développement personnel.
  6. Enrichir tous les curricula de formation en incluant des modules sur des techniques d'auto-apprentissage pour faciliter la prise d’initiative chez les apprenants et assurer aux jeunes d’obtenir des compétences recherchées pour enfin résorber le chômage.
  7. Former les formateurs à dispenser des formations via des plateformes numériques, radiophoniques et mobiles.

Observations finales

Pour conclure, le PQIP-DCTP a constaté que dans les 19 pays membres, l’enseignement général s’est un peu vite adapté à la situation de crise sanitaire due à la pandémie de la COVID-19 par rapport à la formation professionnelle dont la continuité est restée problématique et les solutions proposées inefficientes. En ce sens, même si l’opportunité permettait de faire la promotion de l’enseignement en ligne, la non-préparation des acteurs du sous-secteur et les défis liées à l’accès à internet en Afrique n’ont pas créé un grand engouement autour des initiatives de digitalisation de l’EFTP.

Ces consultations nous ont donc permis de ressortir les bonnes pratiques et innovations mais surtout de réaffirmer l’importance de ce sous-secteur pour produire une main d’œuvre utile et qualifiée pour accompagner la transformation structurelle des pays Africains pendant et après la COVID-19.