Faire des droits de l’enfant une priorité de l’action humanitaire en Afrique
Qu’en est-il du droit des enfants privés d’écoles, des enfants déplacés du fait de terrorisme et de l’extrémisme violent ?
Ceci est le 5ème billet de blog publié en 2019 dans le cadre d’une collaboration lancée entre l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA) et le Partenariat mondial pour l’éducation (PME).
De nombreux pays en Afrique se sont engagés à assurer une éducation équitable, inclusive et de qualité pour tous en vue de réaliser la scolarisation primaire universelle. C’est ainsi que des initiatives, aussi bien formelles que non formelles, ont été prises afin de ne laisser personne à l’écart du système éducatif.
L'Afrique face aux défis de l'éducation
Cependant, malgré d’énormes efforts déployés pendant des décennies pour une scolarisation universelle, le défi à relever reste important. Selon les données de l’Institut de Statistique de l’UNESCO (ISU) publiées en février 2018, environ 260 millions d’enfants, d’adolescents et de jeunes dans le monde (c.-à-d. un sur cinq) ne sont pas scolarisés – un chiffre qui n’a guère évolué ces cinq dernières années. Parmi toutes les régions, l’Afrique subsaharienne a les taux les plus élevés d’exclusion de l’éducation.
À ces défis s’ajoute désormais celui lié à l’insécurité. Aujourd’hui, de nombreux pays en Afrique et dans le monde font face à des attaques terroristes. Le système éducatif, qui semble être une cible privilégiée des terroristes, en paie un lourd tribut.
Selon l’UNICEF, en 2019, l'insécurité persistante et croissante au Sahel a contraint près de 2 000 écoles au Burkina Faso, au Mali et au Niger à fermer leurs portes ou à cesser de fonctionner. Des menaces contre le personnel enseignant, des attaques contre des installations scolaires et l’utilisation d'écoles à des fins militaires ont perturbé l'éducation de plus de 400 000 enfants dans les trois pays et forcé plus de 10 000 enseignants à ne pas travailler ou à se déplacer à cause de la violence.
Cette situation a engendré un vaste mouvement de populations au sein des communautés touchées (déplacés internes) et de réfugiés dans d’autres pays voisins. Ces mouvements, qui n’épargnent pas les enfants, constituent de graves violations de leurs droits.
Cette nouvelle impose un triple défi :
- les parents, dépassés par les événements et fuyants les attaques, sont désormais incapables d’assumer leurs responsabilités.
- Les pouvoirs publics, plus préoccupés par la guerre contre le terrorisme, privilégient les secteurs de la défense, de la sécurité, reléguant du même coup des secteurs comme l’éducation à un second plan.
- Les acteurs humanitaires qui semblent s’intéresser au sort de ces enfants, paraissent débordées par les événements et constituent de plus en plus une cible privilégiée des groupes terroristes limitant ainsi leurs champs d’action.
Très vulnérables, les enfants déplacés ou victimes de terrorisme sont beaucoup plus exposés aux formes d'exploitation horribles, notamment les abus sexuels et le recrutement forcé par des groupes armés.
Ainsi, une bonne partie de la relève de demain, des futurs acteurs du développement, se retrouve sans repère, une situation qui ne doit laisser personne indifférent.
Le rôle du Pôle de qualité inter pays sur l’éducation non formelle de l’ADEA
Pour participer à l’effort d’éducation de ces enfants privés d’écoles ou déplacés du fait du terrorisme, l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA) à travers son nouveau Pôle de qualité inter pays sur l’éducation non formelle (PQIP-ENF), lancé le 25 avril 2019 à Ouagadougou au Burkina Faso, entend développer des actions pour une éducation inclusive et holistique afin de prendre en compte tous ces enfants déscolarisés, déplacés et ceux qui sont restés en marge de l’éducation pour tous.
À cet effet, le PQIP-ENF va initier une série de réflexions pouvant aider les décideurs politiques dans la prise en charge des enfants déscolarisés, déplacés pour fait de terrorisme.
Le Plan stratégique du PQIP-ENF lui permettra de faire office de forum intergouvernemental de dialogue politique et d’action collaborative, tout en favorisant dans le même temps l’apprentissage par les pairs et le partage des connaissances et des meilleures pratiques en éducation non-formelle en Afrique entre les ministères de l’Éducation, les autres ministères et les principales parties prenantes.
Le PQIP-ENF va ainsi s’appuyer sur les résultats de certaines études menées par l’ancien Groupe de travail sur l’éducation non formelle (GTENF) de l’ADEA - qui a été transformé en PQIP-ENF - obtenus depuis une décennie sur le terrain pour renforcer son réseau de partenaires et capitaliser les expériences réussies afin de les partager avec les pays membre du PQIP-ENF, à savoir :
- Les synergies à prendre en compte entre sous-systèmes éducatifs formels et différents types d’apprentissage dans les centres coraniques en Guinée, au Mali et au Niger ;
- La cartographie des foyers et autres centres d’éducation coraniques dans trois pays à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Sénégal.
Ces études ont permis de faire dans les pays concernés :
- un diagnostic approfondi des deux sous-systèmes pour identifier leurs forces et faiblesses ;
- le point de leurs forces pouvant être mises en synergie dans une vision holistique de l’éducation ;
- des propositions concrètes pour un meilleur accès à l’éducation pour les groupes désavantagés, une meilleure équité et une éducation de qualité qui prend en compte les réalités socioéconomiques des apprenants.
Un appel aux parties prenantes pour l’éducation pour tous
Les différents gouvernements en Afrique, les partenaires de la coopération au développement, les humanitaires, la société civile, les entreprises citoyennes, les collectivités territoriales décentralisées et les médias sont aujourd’hui invités à jouer, chacun, un rôle majeur dans l’éducation des enfants déscolarisés, déplacés pour fait de terrorisme et d’extrémisme violent.
L’accent devra être mis sur les alternatives éducatives afin de permettre à bon nombre d’enfants soit de rattraper leur retard, soit d’avoir la possibilité de commencer un apprentissage.
Dans la plupart des pays concernés par ces violences qui entravent les droits fondamentaux des enfants, il est temps de se poser la question suivante : pourquoi les centres d’alphabétisation et d’éducation non formelle opérant dans les zones touchées par l’insécurité continuent de fonctionner et sont parfois épargnés par ces violences ?