Enseigner aux filles africaines pour qu’elles s’épanouissent et non simplement survivent

Le 11 octobre est la Journée internationale de la fille

En Afrique, les filles sont trop souvent laissées pour compte lorsqu'il s'agit d'acquérir les compétences dont elles ont besoin pour pouvoir obtenir de bons emplois. Deux approches peuvent pourtant leur être bien bénéfiques : un programme basé sur les compétences et une formation sensible au genre.

Une élève présentant son ardoise pendant une leçon de calcul. Mauritanie. CREDIT: GPE/Kelley Lynch

En Afrique, les filles sont trop souvent laissées pour compte lorsqu'il s'agit d'acquérir les compétences dont elles ont besoin pour pouvoir obtenir de bons emplois. Deux approches peuvent pourtant leur être bien bénéfiques : un programme basé sur les compétences et une formation sensible au genre.

Ceci est le 11ème post publié en 2018 dans le cadre d’une collaboration lancée en 2017 entre l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA) et le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE).

Le 19 décembre 2011, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la Résolution 66/170 qui déclare le 11 octobre comme Journée internationale des filles (JIF), reconnaissant les droits des filles et les défis uniques auxquels celles-ci sont confrontées dans le monde. Avec le thème de cette année « Avec elle : une force faite de filles compétentes », la Journée internationale des filles marquera le début d’une année d’efforts cherchant à rassembler les partenaires et les parties prenantes pour un plaidoyer, une sensibilisation et un appel à l’investissement dans le but de satisfaire les besoins les plus pressants afin que les filles puissent obtenir les compétences qui leur permettront d’avoir un emploi.

Pourquoi femmes et filles se trouvent-elles encore dépourvues des compétences pertinentes ?

Dès leur plus jeune âge, les filles sont exposées à des pratiques, modèles et milieux sociétaux traditionnels qui façonnent leur compréhension de ce qu’elles doivent faire pour être des êtres humains accomplis. Très souvent, elles apprennent à apprécier une éducation informelle plutôt que l’enseignement formel. On apprend ainsi aux filles à survivre et non à s’épanouir. Lorsque ces enseignements sont associés à la discrimination sexuelle et à d’autres influences négatives, la situation est pire encore.

Les femmes et les filles africaines sont particulièrement défavorisées lorsqu’il s’agit d’opportunités d'emploi et d'entreprenariat, et ceci est le fruit d’un manque de compétences et de formations pertinentes. Ce manque a un impact direct sur leur niveau de vie et les rend vulnérables à des facteurs néfastes tels que la violence liée au genre et le mariage précoce. La situation est encore plus difficile pour les filles dans les contextes de conflit et post-conflit. En effet, c’est ce que montrent les taux massifs de décrochage scolaire dans les états africains touchés par le conflit ou post-conflit.

Les données des Nations unies montrent que sur le milliard de jeunes, dont 600 millions d’adolescentes, qui entrera sur le marché du travail dans la décennie à venir, plus de 90 % de ceux vivant dans des pays en développement travailleront dans le secteur informel, où sont monnaie courante une faible rémunération - voire aucune – des abus et de l’exploitation. 

Par ailleurs, le rapport du Forum économique mondial 2017 sur la main d’œuvre africaine souligne le fait que chaque année pour les trois décennies à venir, 15 à 20 millions de jeunes possédant un niveau d'étude de plus en plus élevé devraient rejoindre cette main-d’œuvre. Le souci est que selon les employeurs de l’ensemble de la région, le manque de compétences constitue une contrainte majeure pour leur capacité à être compétitif dans une économie mondialisée.

Deux solutions efficaces : des programmes scolaires basés sur les compétences et une formation favorisant l’égalité des sexes

Les systèmes d'éducation et de formation en Afrique doivent se défaire totalement de leur héritage colonial et embrasser une éducation qui leur permettra de « créer » de nouveaux citoyens africains, acteurs d'une réelle évolution pour le développement durable du continent.

Pour accélérer ce processus, les états africains doivent déconstruire le type de programmes scolaires qui est appliqué dans les écoles. Il nous faut passer de programmes scolaires basés sur la théorie à des programmes basés sur les compétences. La nature actuelle des programmes scolaires et la structure des options de matières mènent souvent à l’orientation des filles vers des domaines d'études non scientifiques.

Peu de programmes éducatifs sur le continent ont fait preuve de la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux multiples rôles des femmes et des filles. Les stéréotypes liés au genre dans les matériels pédagogiques, notamment une fausse représentation et une sous-estimation du rôle des femmes et des filles, servent de dissuasion et tirent vers le bas les aspirations des filles, du fait du rôle sociopolitique et économique des femmes.

Un enseignement technique et une formation professionnelle (ETFP) favorisant l'égalité des sexes constituent une autre approche pour améliorer les compétences et l’employabilité des filles et des jeunes femmes. Cette approche est largement reconnue sur le continent africain comme une voie stratégique de lutte contre la pauvreté et de développement, en particulier du fait de son orientation vers le monde du travail et/ou l’acquisition de compétences utiles sur le marché du travail.

Les neuf ans d’expérience de FAWE en matière de déploiement de l’ETFP dans les pays touchés par le conflit comme la Somalie, le Libéria, le Burundi et la Sierra Leone, démontrent que le fait de doter les femmes et les filles de compétences jusqu’ici réservées aux hommes augmente leurs chances d’emploi ou d’activité indépendante, avec une valeur économique accrue et de plus importants revenus.

L’appel à l’action du FAWE

Il reste cependant encore beaucoup à faire pour réduire les perceptions stéréotypées de l’éducation des filles, et surtout favoriser leur scolarisation dans les disciplines scientifiques. Les filles doivent retrouver l’assurance et l’estime de soi qui leur permettront de s’orienter dans des carrières en sciences et technologie.

Le FAWE lutte avec ferveur pour que la participation des filles dans le diagnostic, l'analyse et la recherche de solutions à leurs problèmes sociétaux soit une étape essentielle de la conception d'interventions pertinentes et efficaces. Les états, avec le soutien des organisations de la société civile et du secteur privé, doivent concevoir des programmes nationaux et communautaires permettant d’émanciper les filles afin que celles-ci améliorent leurs compétences d’analyse et de négociation et leur façon de s'exprimer, et pour les aider à favoriser leurs priorités et à dialoguer de façon constructive avec tout un ensemble d’acteurs.

En outre, il est devenu nécessaire d’initier de sérieuses études de la tradition orale afin de rechercher une description alternative plus crédible des nombreux rôles positifs joués par les femmes, et en extraire des modèles positifs. Ces représentations positives devront alors être documentées et utilisées comme sources d'inspiration et matériel d’apprentissage et d’enseignement contextuel.

En conclusion, établir un lien précoce pour les filles entre les institutions de formation et les acteurs industriels telles que les entreprises privées contribuera largement à leur préparation à l’absorption dans le marché du travail et aiguisera leurs aspirations entrepreneuriales et innovantes naissantes.