L’éducation à la paix : un facteur essentiel au changement en Afrique
Nous célébrons aujourd’hui la Journée internationale de la paix.
Ce blog est le 9ème d'une série publiée en 2020 dans le cadre d'une collaboration entre l'Association pour le développement de l'éducation en Afrique (ADEA) et le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE).
La Journée internationale de la paix est célébrée ce 21 septembre. Instituée en 1981 par les Nations Unies, cette journée est consacrée au renforcement des idéaux de paix, tant au sein des nations qu’entre les peuples.
Elle met également en avant certaines des initiatives mises en place par les pays pour mettre fin aux conflits (caravanes de la paix, plantation d'arbres pour la paix, concerts, sensibilisation aux nouvelles formes de violence, etc.).
Le thème de cette année est : « Façonner la paix ensemble ». Tout en menant une réflexion sur ce thème, il est important de préciser dès le départ que la paix découle d’un effort commun. Aucune communauté ni aucun individu ne peut y parvenir tout.e seul.e. Il est important de rappeler qu’une action collaborative est nécessaire pour mettre fin aux conflits et promouvoir la paix dans le monde.
De plus, « Faire taire les armes pour créer des conditions propices au développement de l'Afrique » est le thème sous lequel l’Union africaine a placé ses actions cette année. Toutefois, il est important de garder à l’esprit que faire taire les armes signifie également assurer une éducation de qualité !
L’impact des conflits sur l'éducation
Lorsqu’une guerre éclate, l'éducation est généralement le secteur le plus touché. Les conflits violents continuent de poser des problèmes socio-économiques au continent africain : ils détruisent les infrastructures, affectent les enseignants et les personnes les plus vulnérables et augmentent le nombre d'élèves non scolarisés.
En juin 2019, 9 272 écoles étaient fermées ou étaient devenues non opérationnelles et près de 2 millions d'enfants avaient été privés d'éducation en raison de la violence et de l'insécurité au Burkina Faso, au Cameroun, en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, au Mali, au Niger, au Nigeria et au Tchad.
En outre, un rapport publié par l'UNICEF en août 2019 affirme qu’il y a eu une recrudescence des attaques délibérées contre les élèves, les enseignants et les écoles en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale depuis 2017. À la suite de ces attaques, les fermetures d'écoles ont triplé l'année dernière, contraignant plus de 1,9 million d'enfants à quitter l'école. Toutes ces fermetures d'écoles ont eu lieu avant celles dues à la pandémie de COVID-19 qui ont contribué à aggraver une situation d'urgence déjà complexe.
Pour tous ces raisons, la capacité du secteur de l'éducation à promouvoir la paix et une coexistence harmonieuse ne peut être sous-estimée. Le recrutement des enfants dans l'extrémisme violent, leur vulnérabilité accrue face au travail et à l'exploitation sexuelle, aux mariages précoces, aux maladies et, en fin de compte, à la pauvreté sont des conséquences directes de leur non-scolarisation.
Façonner la paix en Afrique à travers l'éducation et la citoyenneté
Une « Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et occupant la place qu'elle mérite dans le monde et dans l'économie de la connaissance » : telle est la vision de l’Union africaine pour le continent.
Une éducation de qualité est essentielle à la réalisation de cette vision, et implique de favoriser des attitudes qui encouragent la compréhension, la tolérance et le respect mutuels, prévenant ainsi les sociétés de conflits violents.
L'éducation donne également un sentiment de normalité et de routine aux enfants et aux adultes après les traumatismes causés par des conflits violents. Il est stratégique d’investir dans la paix par le biais de l'éducation car, cela favorise la résilience et atténue les effets des conflits et l'extrémisme violents. Le cas de l'Europe est un exemple classique.
La paix et la sécurité sont des ingrédients essentiels au développement social et économique de toute nation. Les conflits violents entravent le développement économique et renforcent les inégalités, les griefs et le désespoir, enfermant les pays dans un cercle vicieux de violence.
Une éducation de qualité peut donner aux enfants et aux jeunes de l'espoir et des opportunités, et guérir les divisions et traumatismes causés par la guerre. Une école peut et doit être un lieu de paix.
À cette fin, les pays africains n'ont pas d'autre choix que d'ancrer l'éducation à la paix dans leurs politiques et plans sectoriels de l'éducation, et de l'intégrer à tous les niveaux, afin de garantir que les connaissances, les compétences, les valeurs et les attitudes nécessaires à la coexistence pacifique puissent être apprises et mises en pratique.
Les ministères de l'Éducation doivent également adopter des approches sensibles aux conflits dans leurs politiques ainsi que des stratégies de préparation et de réponse aux situations d'urgence qui intègrent la réduction des conflits et la protection de l'éducation contre les attaques. Il est encore plus important que les ministères de l'Éducation établissent et renforcent leurs structures de coordination d'urgence au niveau national et régional, afin de combler leurs éventuelles lacunes.
L'action de l'ADEA en faveur de l'éducation à la paix en Afrique
Le Pôle de qualité interpays sur l'éducation à la paix (PQIP-EP) est l'un des mécanismes de l'ADEA destiné à l'apprentissage par les pairs et l'échange de connaissances entre les pays africains, dans le but de promouvoir le dialogue en faveur de l'éducation et du leadership.
Depuis sa création au Kenya en 2009, le PQIP-EP a réuni des pays confrontés à des défis liés aux conflits en vue de les aider à initier des actions collaboratives et utiliser les systèmes éducatifs comme moyens et forces de prévention des conflits, de consolidation de la paix et de construction des nations.
Selon une étude sur la protection de l'éducation contre les attaques militaires pendant des conflits armés validée en août 2019 et à laquelle le PQIP-EP a participé, suite à la mise en œuvre de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles (en anglais), les forces armées officielles, entre autres acteurs, ont fait de grands efforts pour s'assurer qu'elles n'occupent pas les écoles pour leurs activités. Elles ont également recruté moins d’enfants soldats.
Le taux d'attrition des enseignants a diminué dans les zones touchées par les conflits après la mise en place de formations et d'initiatives pour la réduction des risques et des catastrophes. Les clubs de paix ont également contribué à réduire l'indiscipline dans les écoles et la plupart des pays disposent désormais d’une politique reconnaissant les écoles comme zones de paix.
Pour aider à renforcer la coordination régionale, le PQIP, en collaboration avec l'ADEA et Save the Children, a rassemblé, en février 2020, 11 pays en situation de conflit, post-conflit ou accueillant des réfugiés, dans le but de renforcer les capacités des coordinateurs du groupe de la Stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique de l'Union africaine sur l'éducation à la paix.
L'ADEA, à travers son PQIP-EP et ses partenaires stratégiques, organise des forums de concertation sectorielle et appelle tous les acteurs clés (gouvernements, différentes parties prenant part à un conflit, chefs religieux, etc.) à mettre fin aux attaques et/ou menaces contre les écoles et leur personnel en Afrique, ainsi qu’à investir dans une éducation de qualité (élément essentiel à la prospérité socioéconomique de leur pays).
Enfin, ce qui est également vital aujourd'hui, à l’issue de cette pandémie catastrophique de COVID-19, c'est de développer des politiques audacieuses alignées sur les cadres continentaux et mondiaux qui peuvent réellement faire avancer les actions des pays africains en matière d'éducation dans les situations d'urgence et de crise prolongée.
Aujourd'hui plus que jamais, il est essentiel d'investir dans l'éducation si nous voulons préparer l'avenir.