Bâtir des systèmes éducatifs africains pour un avenir prospère

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L’Afrique souffre cruellement de l’absence d’une masse critique de main-d’œuvre qualifiée. Un déficit dû au faible accès aux systèmes éducatifs et à un taux important d’abandon scolaire. Seul un tiers environ des enfants fréquentent l’enseignement secondaire sur le continent. La situation est encore plus alarmante pour l’enseignement supérieur, avec un taux d’accès d’à peine un sur dix. À titre de comparaison, les taux sont trois fois plus élevés dans les autres pays en développement. En effet, l’Afrique compte la moitié des enfants non scolarisés en âge de fréquenter l’école primaire et le premier cycle du secondaire dans le monde – soit quelque 60 millions de jeunes au total. Ce qui fait peser une menace grave sur la cohésion sociale et la productivité de la main-d’œuvre de demain. Aujourd’hui, le tout est de savoir ce que l’on peut faire pour y remédier. 

Tous les trois ans, l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA) réunit tout le monde de l’éducation et de la formation en Afrique. « Revitaliser l’éducation dans la perspective du Programme universel 2030 et de l’Agenda 2063 pour l’Afrique » est le thème, cette année, de la triennale de l’ADEA, qui se tient cette semaine à Dakar, au Sénégal. Lieu de débat et d’échanges d’expériences, ce forum dédié à l’éducation en Afrique est l’occasion, pour les participants, d’esquisser des idées pour améliorer les politiques et les activités et de voir comment nous pouvons travailler ensemble pour obtenir de meilleurs résultats.  

Certes, le continent est en train d’enregistrer des progrès. Mais la réforme des systèmes d’enseignement n’est pas assez rapide pour véritablement préparer les jeunes Africains à un avenir dynamique. Certes, l’accès à l’éducation s’améliore : ces quinze dernières années, l’Afrique a réduit de moitié le nombre d’enfants d’âge scolaire primaire qui ne fréquentent pas encore l’école. On enregistre également des progrès dans la scolarisation des jeunes dans l’enseignement secondaire et supérieur. On assiste aussi à une augmentation de la fréquentation des centres de formation professionnelle, qui représentent près de 25 % de la fréquentation scolaire globale. Mais il reste encore beaucoup à faire pour que les systèmes éducatifs africains accompagnent réellement la transformation économique du continent. La plupart d’entre eux sont confrontés à une triple crise : rareté du capital humain, piètre qualité de l’enseignement et faible inclusion, en sus d’un manque d’ajustement aux besoins du secteur privé.

Les lacunes de l’enseignement en Afrique au plan qualitatif sont perceptibles à travers le déficit de compétences fondamentales et d’aptitudes cruciales que présentent les étudiants. Environ un tiers des enfants déscolarisés du primaire ne sait ni lire ni écrire. 

Les entreprises internationales accordent autant d’importance aux compétences relationnelles qu’aux compétences techniques. Or les classes africaines ploient pour la plupart sous le poids des enseignants et offrent très peu de possibilités aux étudiants de développer ces compétences. En outre, l’Afrique fait face à des défis en termes d’inclusion (genre, espace, revenu). Les disparités entre les sexes, par exemple, s’aggravent fortement entre l’école primaire et l’enseignement supérieur. 

Les aptitudes et les compétences disponibles ne répondent pas suffisamment aux besoins du marché du travail. Un exemple ? Les programmes de formation professionnelle qui, trop rigides bien souvent, ne parviennent pas à s’adapter assez rapidement aux besoins du marché du travail – secteur informel compris ! Il y a trop peu de scientifiques et d’ingénieurs dans les secteurs qui stimulent la transformation économique de l’Afrique. Ces faiblesses systémiques contribuent à un taux de chômage élevé, en particulier chez les jeunes. 

Cet état de fait serait déjà préoccupant dans un environnement statique. Or nous sommes à l’avant-scène de la quatrième révolution industrielle, avec la convergence des nouvelles technologies telles que les TIC, l’intelligence artificielle et la robotique qui révolutionnent les économies tout en accélérant d’une manière vertigineuse le rythme du changement. Et si l’Afrique a la possibilité de faire l’impasse sur des technologies surannées toujours en cours dans des économies avancées, certains pays du continent risquent de rater le coche faute d’investissements dans les sciences, les technologies, la recherche et le développement. Aux dépenses de recherche et développement extrêmement faibles, s’ajoute un manque criant de chercheurs qualifiés. 

Seules cinq universités africaines figurent parmi les 500 meilleures universités du monde. Le résultat, hélas, tout le monde le connaît : les économies africaines n’arrivent pas à transformer leurs matières premières en produits finis haut de gamme à même de s’imposer sur les marchés mondiaux.

Nous sommes en train de mettre en place deux grands programmes phares dans ces domaines. Le premier, « Repenser l’éducation et l’apprentissage pour la transformation de l’Afrique », vise à aider les pays africains à adopter une approche holistique de leurs systèmes éducatifs. Il devrait leur permettre de tirer le meilleur parti des dépenses éducatives pour produire les diplômés qualifiés nécessaires au développement national. Pour y parvenir, les dialogues sur les politiques avec les gouvernements seront conjugués à une assistance technique et au soutien financier nécessaire. 

Le deuxième programme phare, « Renforcer la science, les technologies et l’innovation dans les pays africain s», s’avère également ambitieux. Il s’agit, ni plus ni moins, de s’assurer que l’Afrique ne rate pas le coche de la quatrième révolution industrielle. Ce programme entend s’ancrer dans des secteurs prioritaires que sont l’agriculture, l’énergie, les TIC, les infrastructures, les produits pharmaceutiques, la nutrition et les économies dites verte et bleue. Ce qu’il compte faire en misant sur les systèmes nationaux d’innovation, de programmes d’entrepreneuriat et d’incubateurs, et en encourageant l’enseignement des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques, surtout chez les femmes. La BAD redoublera d’efforts également pour aider les pays africains à convertir la recherche et les innovations existantes en produits et services commercialisables, tout en veillant à protéger les droits de propriété intellectuelle des chercheurs et innovateurs africains. 

Ce n’est pas tout. Sachant que, l’un des objectifs majeurs des systèmes d’éducation et de formation est de favoriser l’emploi, nos efforts ne s’arrêtent pas à la salle de classe. La Stratégie de la BAD pour l’emploi des jeunes constitue une réponse directe à la nécessité – vitale – d’offrir des emplois aux jeunes en Afrique. Elle ambitionne de créer 25 millions d’emplois directs et d’autonomiser 50 millions de jeunes dotés de compétences professionnelles, notamment dans l’agriculture, l’industrie et les TIC. Ce, à travers nos différents projets. 

Les dirigeants africains accordent de plus en plus d’importance à un enseignement adapté et à l’employabilité. C’est un gage que les discussions de cette semaine à Dakar avec les hauts fonctionnaires, les partenaires au développement, les entreprises et les organisations de la société civile nous aideront à aller de l’avant. Cet aiguillon nous permettra de concevoir des systèmes d’éducation et de formation centrés sur les compétences et l’emploi dont nous avons tant besoin aujourd’hui mais aussi dans les années à venir.

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Le blog original a été publié et est disponible sur le site web de la BAD

Par 
Jennifer Blanke, Vice-présidente, Agriculture, Développement humain et social, BAD

Etienne Porgo, Chef de division, Département du développement humain et social, BAD
Borel Anicet Foko Tagne, Économiste de l’éducation, Département du développement humain et social, BAD