L'Afrique et l’agenda post-2015 de l’Education: quels rôles pour le développement des compétences et savoir-faire?

Depuis 2008, l'ADEA a entrepris de réorienter le débat sur le rôle de l'éducation et la formation dans le développement socioéconomique. L'Association a commencé tout d'abord par souligner l'importance de l'enseignement post-primaire à un moment où beaucoup jugeaient cela prématuré étant donné que l'Enseignement primaire universel (EPU) restait inachevé. À l'occasion de sa Biennale 2008 à Maputo au Mozambique, l'Association a plaidé en faveur de systèmes éducatifs holistiques, intégrés et diversifiés dans lesquels l'enseignement post-primaire était défini « non seulement comme ce qui suit l'enseignement primaire, mais aussi comme un réexamen de l'enseignement “primaire” tel qu'il est actuellement structuré ». Deux changements de paradigme majeurs ont été proposés : (i) le passage de l'EPU à l'Enseignement de base universel (EBU) prolongé et étendu à 9-10 ans, et (ii) le passage de l'enseignement post-primaire à l'enseignement et la formation post-enseignement de base (EFPEB)[1]. L'ADEA a expliqué les deux changements de paradigme et donné des orientations stratégiques pour le développement de l'EBU et l'EFPEB au moyen d'un cadre indicatif de politique.

La Deuxième décennie de l'éducation en Afrique de l'Union africaine, le Programme de l'UNESCO pour l'éducation de base en Afrique (BEAP) et l'Initiative SEIA de la Banque mondiale reflétaient également, à des degrés variés, le programme EBU-EFPEB. Mais combien de pays ont-ils suivi cette voie ?

L'ADEA a continué à se pencher sur les rapports entre l'éducation, la formation et le développement durable pendant sa Triennale 2012 à Ouagadougou au Burkina Faso. Elle a proposé trois autres changements de paradigme[2]: (i) le passage d'un apprentissage décontextualisé au développement des compétences de base pour la résolution de problème et la citoyenneté ; (ii) le passage de l'EFTP au DCTP pour démocratiser et adapter la formation aux marchés africains du travail dominés par le secteur informel ; (iii) le passage d'un système d'enseignement supérieur de type « tour d'ivoire » au développement des connaissances et compétences scientifiques et techniques pour le développement industriel et l'intégration dans l'économie mondialisée.

Ce programme de développement des compétences a été intégré et articulé dans le cadre stratégique de politique élaboré dans le sillage de la triennale. Ce cadre a été approuvé ultérieurement pas les chefs d'État de l'Union africaine lors de leur Sommet en janvier 2013. L'ADEA s'emploie activement à la mise en œuvre de ce programme à travers son Plan stratégique à moyen terme 2013-2017.

Dans cette optique, on s'interroge sur ce que sera le contenu du programme définitif de l'éducation pour l'après 2015 en Afrique. La bonne nouvelle, c'est qu'il y a à nouveau[3] un signal clair que l'Afrique est prête à définir ses propres objectifs de développement ainsi que l'éducation et la formation dans le cadre de ce programme. À titre d'exemple, l'Union africaine (UA) – et son initiative de Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) – a mené de vastes consultations sur le programme des Objectifs du Millénaire pour le développement de l'après 2015 (OMD). En mai 2013, le Conseil exécutif de l'UA a créé un Comité de haut niveau des chefs d'État et de gouvernement sur le programme de développement pour l'après 2015. Le Comité a identifié quatre catégories de priorités auxquelles le continent devrait s'attaquer pendant la période de l'après 2015 : (i) Transformation structurelle de l'économie et croissance pour tous, (ii) Innovation et transferts de technologie, (iii) Développement humain et, (iv) Financement et partenariats.

Dans le cadre du développement humain et du développement des capacités, les priorités suivantes ont été fixées :

  1. L'amélioration de la qualité de l'enseignement ;
  2. L'accès à un enseignement de qualité aux niveaux du primaire et du secondaire ainsi que de la formation technique et professionnelle ;
  3. Le renforcement des programmes scolaires dans l'enseignement primaire et secondaire, en y incluant une éducation sur les aptitudes à la vie quotidienne, la citoyenneté, la sexualité et la santé procréative ;
  4. Des taux d'achèvement plus élevés à tous les niveaux de l'enseignement ;
  5. L'établissement de rapports plus fermes entre l'enseignement et le marché du travail.


Le document final des consultations régionales sur l'après 2015 (Commission économique des Nations unies pour l'Afrique, UNECA, 2013) a aussi plaidé en faveur de la promotion des sous-secteurs suivants de l'éducation : préscolaire, enseignement supérieur et éducation non formelle.

Dans le cadre de l'innovation et des transferts de technologie, étroitement liés à l'enseignement supérieur, les consultations ont fourni les priorités/objectifs suivants :

  1. Réaliser des transferts de technologie et les aligner sur les besoins de développement de chaque pays ;
  2. Créer un fonds technologique africain pour appuyer des innovations dans le contexte du développement durable ;
  3. Accroître le financement de travaux de recherche et de développement ;
  4. Renforcer la composante scientifique des programmes d'enseignement ;
  5. Développer l'utilisation des TIC.


Compte tenu de ce qui précède, la direction que veut prendre l'Afrique après l'échéance de 2015 tant pour les OMD que pour l'Éducation pour Tous (EPT) est claire et l'ADEA semble avoir anticipé ces évolutions du développement de l'éducation en Afrique en mettant l'accent sur le développement des aptitudes et des compétences. Le défi est à présent de réussir à concilier le programme formulé par l'Afrique et celui de la communauté internationale. Il existe en effet des indications que le programme international pour l'après 2015 pourrait être axé sur des domaines thématiques isolés au détriment de l'approche holistique adoptée par l'ADEA. Le RMS 2014 récemment publié pose à juste titre le défi de la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage, mais il ne met pas l'accent sur la nature de l'enseignement et de l'apprentissage tels qu'ils sont pratiqués dans les salles de classe en Afrique et de leur relation avec la résolution de problème et le développement durable. On peut en dire autant de l'accès et de l'équité qui font en effet partie du mouvement de l'EPT et du programme de l'EPU inachevés, mais qui doivent être désormais abordés dans un cadre politique plus large et articulé.

En résumé, nous désirons recevoir vos réactions sur les questions suivantes :

  1. Qu'est-ce qui explique la lenteur de la mise en œuvre de l'Enseignement de base universel (EBU) et du programme de l'Enseignement et de la formation post-enseignement de base (EFPEB) proposé par l'ADEA et le Programme de l'UNESCO pour l'éducation de base en Afrique (BEAP) ? 
  2. Dans quelle mesure le programme de développement des compétences et des aptitudes pourrait-il trouver sa place dans le programme international de l'éducation pour l'après 2015 ?
  3. Quels mécanismes innovants de financement l'Afrique devrait-elle mettre en place compte tenu de la diminution des ressources financières en provenance des bailleurs de fonds ? Les dividendes des taux actuels soutenus de croissance économique en Afrique peuvent-ils être utilisés pour financer l'éducation ? Que peut apporter le secteur privé pour la pertinence et le financement de l'éducation ?

 


[1] Enseignement post-primaire en Afrique : défis et approches pour étendre les opportunités d’apprentissage en Afrique. Synthèse préparée pour la biennale 2008 de l’ADEA sur l’éducation en Afrique (Maputo, Mozambique, 5-9 mai 2008) et leçons tirées. Par Wim Hoppers.

[2] Document général de synthèse présenté lors de la triennale 2012 de l’ADEA sur l’éducation et la formation en Afrique, 11-17 février 2012, Ouagadougou, Burkina Faso. Par Mamadou Ndoye et Richard Walther.

[3] Dans le sillage de l’époque des indépendances, les pays africains se sont rencontrés à Addis Abeba pour élaborer une vision du développement de l’éducation. Conférence d'états africains sur le développement de l'éducation en Afrique, Addis-Abéba 1961.