Améliorer le développement de la petite enfance et l'apprentissage fondamental grâce à la recherche menée par les Africains

En célébrant l'Année de l'éducation de l'Union africaine (UA), l'Association pour le développement de l'éducation en Afrique (ADEA) et Education Sub-Saharan Africa (ESSA) s'unissent pour mettre en lumière le pouvoir de la recherche pour avancer l'agenda de l'acquisition précoce des compétences en Afrique. L'objectif n'est pas seulement de répondre à la crise aiguë de l'apprentissage, mais aussi de construire une base de connaissances solide pour éclairer des solutions durables.

Convergence à Nairobi : Un atelier marquant

Lors d'un événement important en octobre dernier, 53 experts de 21 pays ont discuté des défis et des opportunités liés au développement de la petite enfance (DPE) et à l'apprentissage fondamental (AF). L'atelier était organisé conjointement par l'ESSA et le Centre de recherche pour l'accès et l'apprentissage équitables (REAL) de l'université de Cambridge. Il visait à faire progresser la recherche multidisciplinaire parmi les chercheurs basés en Afrique tout en améliorant la qualité et capacité à travailler sur les deux domaines thématiques.

L'état de la recherche ‘dirigée par l'Afrique’

Un examen approfondi de la situation actuelle a permis de faire le point sur la situation :

  1. Rareté des publications : Une analyse conduite par le Centre REAL en 2021, à partir des publications de la base de données de recherche sur l’éducation en Afrique (AERD), a montré que la production de la recherche par des chercheurs d'Afrique subsaharienne (ASS) dans le domaine du DPE était très faible. En outre, il existe une grande disparité en termes de nombre de publications, tandis que la plupart des études se concentrent sur la situation (défis et problèmes) plutôt que sur les solutions. De même, entre 2020 et 2022, 313 études sur l’AF ont été publiées en Afrique, dont 43 % restent impertinentes pour le contexte de l'ASS, avec une rareté notable de publications pertinentes en français.
  2. Disparité des publications : Même la faible production de la recherche est inégalement répartie entre les sous-thèmes du DPE. Si l'on se réfère au cadre des soins nourriciers, les publications sont orientées vers la santé (874), tandis que l'éducation (52) et le jeu (39) sont loin derrière. En outre, une minorité d'études se concentre sur l'équité et l'inclusion, 26 % d'entre elles traitant de la pauvreté et seulement 3 % du handicap. Parmi les chercheurs en AF, les domaines d'exploration les plus courants sont les facteurs familiaux associés à l'apprentissage des élèves et les langues africaines, tandis que la politique éducative, la scolarisation et la nutrition, entre autres, ont reçu moins d’attention. Par ailleurs, le handicap n'a été pris en compte que dans 7 % des publications.
  3. La question du genre : Les chercheuses africaines sont fortement sous-représentées dans les publications, soit 24% des publications consultables. Cette constatation a suscité de vives réactions, étant donné que la majorité des éducateurs en DPE sont des femmes. Cela a mis en évidence les obstacles uniques auxquels elles sont confrontées pour être publiées dans des revues académiques évaluées par des pairs et répertoriées dans l'AERD.

Explorer la définition et l'impact de la recherche ‘dirigée par l'Afrique’

La définition de ce qui constitue véritablement une recherche « dirigée par l'Afrique » a suscité des discussions animées entre les chercheurs de la diaspora dans le Nord, les chercheurs non africains en Afrique et les universitaires africains locaux. Un consensus s'est dégagé. La recherche dirigée par l'Afrique englobe une affiliation plus profonde avec les paysages académiques et institutionnels du continent, allant au-delà de la simple identité personnelle.

Faire tomber les barrières

L'atelier a souligné que les chercheurs basés en Afrique sont confrontés à quatre obstacles cruciaux tels que :

  1. Le financement : 44% des chercheurs basés en Afrique subsaharienne n'ont pas reçu de financement, tandis que 39% dépendent d'un soutien international. Ce manque de financement affecte le volume et la qualité de la recherche, ce qui pose un défi aux chercheurs qui doivent concilier l'enseignement et la consultance avec le peu de temps dont ils disposent pour la recherche. Les solutions possibles proposées sont :
    • Renforcer le soutien par le biais d'un financement direct ciblé pour les chercheurs, comme des subventions conjointes et des fonds régionaux.
    • Encourager les chercheurs à concevoir et à présenter de manière proactive des projets authentiques aux bailleurs de fonds.
    • Promouvoir le mentorat intergénérationnel afin de favoriser l'éclosion de nouveaux talents dans le domaine de la recherche.
  2. Reconnaissance et visibilité : il est prouvé que les travaux de chercheurs africains sont moins publiés dans les médias indexés par les moteurs de recherche, non pas en raison d'un problème de quantité, mais à cause d'obstacles liés à la visibilité. La discussion n'a pas seulement porté sur la qualité des lieux de publication, mais également sur la garantie de l'accès et de l'évaluation équitable des travaux. Des exemples ont été cités où des comités éditoriaux peu familiarisés avec les contextes de l'ASS rejettent ou sous-estiment souvent les perspectives africaines en les jugeant de moindre qualité. Les solutions proposées sont :
    • Aborder l'asymétrie de pouvoir dans la reconnaissance académique.
    • Passer du prestige de la publication à l'accessibilité et à l'évaluation équitable.
    • Soutenir les chercheurs africains pour qu'ils publient au niveau international et plaider pour l'inclusion de revues basées en Afrique au niveau mondial.
    • Mettre l'accent sur le mentorat de recherche et proposer un dépôt mondial de la recherche africaine.
  3. Promotion fondée sur la recherche : Les études menées en Afrique se concentrent peu sur les réponses à apporter aux politiques et pratiques éducatives. De même, il existe un fossé entre les résultats de la recherche et la mise en œuvre des politiques. Les solutions proposées sont :
    • Allouer des ressources à la communication en matière de recherche afin de remédier au décalage entre la recherche menée en Afrique et les applications politiques pratiques.
    • Plaider pour l'expansion des réseaux et des plateformes pour unir les chercheurs et les décideurs politiques comme Education Evidence for Action (EE4A) au Kenya et l'initiative panafricaniste « Unlocking Data », établie conjointement par Zizi Afrique, ESSA, EBASE, Edtech Hub, et l'Université du Malawi, ainsi que les multiples plateformes de l'ADEA.
  4. Collaboration entre chercheurs africains : 37% des études sont des collaborations intra-pays au sein de l'ASS, tandis que 35% sont des partenariats avec des homologues internationaux. Cependant, seulement 6 % reflètent des collaborations entre pays. Les solutions proposées sont :
    • Cibler la mise en réseau des chercheurs sur le continent.
    • Augmenter le financement des initiatives de recherches transnationales.

Tracer la voie à suivre : Partenariat entre l'ADEA et ESSA

L'ADEA est fermement engagée dans l'acquisition précoce des compétences. Son pôle de qualité interpays sur le DPE (PQIP-DPE) reflète son rôle central dans l'avancement des initiatives de DPE. En outre, l’AF reste un axe stratégique clé de l’ADEA, comme en témoignent son important projet de cartographie dans 15 pays africains et les discussions centrées sur la pertinence des données sur l’AF lors de ses forums de dialogue de haut niveau avec les décideurs politiques. Cet effort va au-delà de l'identification des lacunes critiques en matière de recherche. Il s'agit de générer des connaissances qui proposent une feuille de route claire pour la recherche et les interventions futures, en passant des défis actuels à des solutions réalisables.

Les initiatives de l'ADEA sont cruciales pour mobiliser un large éventail de parties prenantes, allant des chercheurs aux décideurs politiques et aux bailleurs de fonds, et ce afin d'ouvrir la voie à des réformes éducatives fondées sur des preuves et des données. Le partenariat entre ESSA et l'ADEA est crucial, car il vise à développer et à mettre en œuvre un programme de recherche complet sur le DPE et l’AF ; ce qui est essentiel pour relever les défis identifiés par les participants à l'atelier et, par conséquent, pour s'attaquer à la crise aiguë de l'apprentissage sur le continent.

Appel à l'action

Ce blog est un appel aux parties prenantes pour qu'elles accordent la priorité à la recherche sur le DPE et l’AF en ASS, sous l'égide de l'Afrique. Grâce à la collaboration et au soutien d'un agenda de recherche enrichi de savoirs, nous pouvons ensemble avoir un impact significatif sur l'éducation du continent alors que nous célébrons l'Année de l’éducation de l'UA