Combattre les pratiques d'enseignement qui renforcent les préjugés sexistes à l'école
La Journée internationale de la fille est célébrée le 11 octobre de chaque année.
Cet article est le 11ème d'une série de blogs publiée en 2019 dans le cadre d'une collaboration entre l'Association pour le développement de l'éducation en Afrique (ADEA) et le Partenariat mondial pour l'éducation (PME).
En 1995, lors de la Conférence mondiale sur les femmes à Beijing, les pays participant ont adopté à l'unanimité la Déclaration et le Programme d'action de Beijing (en anglais) – le schéma directeur le plus progressiste jamais mis en place pour la promotion des droits, non seulement des femmes, mais aussi des filles. La Déclaration de Beijing est la première à exiger que les filles aient des droits et en jouissent.
Le 19 décembre 2011, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Résolution 66/170 visant à déclarer le 11 octobre Journée internationale de la fille, afin de reconnaître les droits des filles et les défis particuliers auxquels les filles sont confrontées à travers le monde.
La Journée internationale de la fille insiste sur la nécessité de relever les défis auxquels les filles sont confrontées et de promouvoir leur autonomisation et la réalisation de leurs droits fondamentaux.
Cette année, sous le thème « Les filles : une force libre et inarrêtable », nous célébrons les réalisations accomplies par, avec et pour les filles, depuis l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing.
Impact des enseignants sur la vie d’un enfant
Les enseignants ont souvent un rôle primordial dans le développement des enfants en bas âge. Ils sont essentiels à la réussite de la mise en place de systèmes éducatifs équitables et inclusifs qui dispensent un apprentissage. Ils assument également le rôle de tuteur lorsque les enfants vont à l'école, du préscolaire à l'université.
Cela signifie surtout que les enseignants ont le pouvoir d'influencer la façon dont les enfants pensent, agissent, perçoivent, interprètent et articulent leurs pensées et leurs expériences aux premiers stades de la vie. Même à l'âge adulte, les gens se souviendront de la punition ou des éloges reçues de leurs enseignants pendant leur parcours scolaire.
Dans son livre intitulé « Devenir », Michelle Obama – ancienne première dame des Etats-Unis et fondatrice de l'Initiative Let Girls Learn – se rappelle à quel point elle s’est sentie gênée de ne pas pouvoir prononcer le mot « blanc » dans un cours d'anglais, ce qui a mené son professeur à ordonner à Michelle de se rasseoir.
« J'étais sûre que mon professeur m'avait maintenant assimilée à quelqu'un qui ne savait pas lire ou, pire, qui n'essayait pas de le faire », écrit Michelle Obama. La jeune Michelle aux joues rouges raconte aussi que les deux meilleurs élèves de sa classe pouvaient tout lire correctement, la menant à la conclusion que son incapacité à lire le mot « blanc » de manière appropriée pouvait être perçu comme « un signe de supériorité des deux meilleurs élèves par rapport au reste de la classe ».
Chimamanda Ngozi Adichie, auteure de renom et féministe, souligne dans son livre « Nous sommes tous des féministes » que les systèmes éducatifs africains ont renforcé les préjugés sexistes et la discrimination à l’égard des filles.
« Nous enseignons aux filles à se diminuer, à se faire toutes petites. Nous disons aux filles, vous pouvez avoir de l'ambition, mais pas trop. Vous devriez vouloir réussir, mais pas trop. Sinon, vous menaceriez les hommes », écrit Mme Adichie.
Bien que certains puissent être en désaccord avec Chimamanda ainsi que d’autres auteurs sur les préjugés sexistes que nous véhiculons à travers l’éducation que nous dispensons aux enfants, notamment en Afrique, il est impératif de ne pas ignorer les pratiques d’enseignement qui peuvent enraciner consciemment ou inconsciemment la discrimination, les préjugés et le renforcement du patriarcat dans le mode de vie et de pensée des enfants.
Aborder la question des préjugés sexistes à l'école
Souvent, le terme de « genre » est mal interprété et assimilé à « problèmes de femmes ». Cependant, comme le décrit le Forum pour les femmes éducatrices en Afrique (FAWE), le genre correspond aux rôles et responsabilités des femmes/filles et des hommes/garçons définis dans nos familles, sociétés et cultures, y compris les caractéristiques, les attitudes et les comportements attendus de chaque sexe. Le FAWE définit également le sexisme comme une préférence ou un préjugé vis-à-vis des personnes d’un sexe, entraînant des attentes, l’utilisation d’un certain langage et des attitudes spécifiques.
Les préjugés et les stéréotypes sexistes se manifestent au tout début de l’apprentissage des enfants. Parmi les pratiques pédagogiques courantes qui renforcent les préjugés sexistes à l’égard des filles en classe, nous pouvons citer : l’attribution de postes de direction de groupe uniquement aux garçons, l’utilisation constante de « il » dans toutes les références d’activités d’apprenant, l’utilisation de proverbes africains décrivant les filles comme inférieures et dépendantes des hommes.
En outre, les illustrations utilisées pour les images, les textes et les dessins représentent les femmes et les filles assumant des rôles conventionnels attribués par la société, tels que faire la cuisine, et les garçons occupant des emplois de cols blancs, tels que médecins et pilotes, reproduisent les récits patriarcaux de la place des filles dans la société.
Les références et les illustrations sexospécifiques ont des effets persistants, en particulier lorsqu'elles sont utilisées au tout début de l'apprentissage. Il est donc essentiel que les enseignants bénéficient d’une formation initiale et continue de qualité, afin de s’assurer qu’ils tiennent compte des spécificités propres à chaque sexe et qu’ils sont en mesure de transmettre de nouvelles connaissances aux enfants. Il est également important que les enseignants soient informés des méthodes d’agencement des salles de classe et d'enseignement respectueuses favorables à l’épanouissement de tous les genres.
Les infrastructures scolaires, tant dans la salle de classe que dans l'environnement scolaire, devraient être adaptées aux différents besoins des filles et des garçons. Parmi les outils pratiques que les enseignants peuvent utiliser pour traiter les préjugés sexistes dans et autour de la classe, citons la Boîte à outils révisée sur la pédagogie intégrant la notion de genre (en anglais) élaborée par le FAWE, en collaboration avec l’UNESCO ICBA et l’UNICEF WCARO ; et la Pédagogie intégrant la notion de genre dans l'éducation de la petite enfance conçue par le VVOB et le FAWE.
Le FAWE, le VVOB et le PME ont également organisé un webinaire conjoint sur cette boîte à outils, qui explique davantage la manière de façonner les idées des enfants sur les rôles et pratiques sexospécifiques, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de la salle de classe.
Rien ne peut arrêter les filles !
Aujourd’hui, de plus en plus de filles ne se contentent plus de rêver et passent à l’action. Elles sont plus nombreuses à aller à l’école et à achever leurs études et moins nombreuses à se marier ou devenir mères très jeunes. De plus en plus de filles acquièrent les compétences dont elles ont besoin pour exceller plus tard dans le monde du travail.
Les filles brisent les frontières et les barrières des stéréotypes et de l'exclusion, notamment celles qui visent les enfants handicapés et ceux vivant dans des communautés marginalisées. En tant qu'entrepreneures, innovatrices et initiatrices de mouvements mondiaux, les filles dirigent et participent à construire un monde qui leur convient à elles et aux générations futures.
Les filles prouvent que rien n’est figé et que rien ne les arrête… Aidons-les à concrétiser leurs rêves !