Comment les directrices d’école favorisent la réussite des élèves au Bénin

La direction des établissements scolaires est l’un des moteurs les plus puissants de la réussite des élèves, juste après l’enseignement en classe. La recherche met aujourd’hui en évidence le rôle essentiel des directrices d’école dans l’amélioration des résultats d’apprentissage. Une étude récente menée dans plusieurs pays par l’Institut international de planification de l’éducation (IIEP) de l’UNESCO a révélé que cela était vrai en République du Bénin, où les garçons et les filles obtiennent de meilleurs résultats lorsqu’ils sont dirigés par une femme. En moyenne, ils obtiennent 0,31 écart-type de plus en lecture et 0,34 de plus en mathématiques, ce qui équivaut à une année de scolarité supplémentaire. Des tendances similaires sont apparues à Madagascar, au Togo et au Sénégal.
Un nouveau rapport du Bureau de l’IIPE-UNESCO pour l’Afrique examine les caractéristiques institutionnelles qui contribuent à expliquer ces résultats au Bénin, en mettant l’accent sur les facteurs liés à la représentation des femmes aux postes de direction des établissements scolaires.
Comprendre la direction d’un établissement scolaire dans le contexte plus large de l’éducation
La République du Bénin a réalisé des progrès significatifs dans le domaine de l’éducation grâce à des initiatives telles que la gratuité de l’enseignement primaire introduite en 2006 et des politiques de promotion de l’éducation des filles, notamment la politique nationale de promotion du genre de 2009. Cependant, des défis persistent en termes d’accès, d’apprentissage et de disparités entre les sexes. Les taux d’achèvement du primaire se sont améliorés, passant de 54 % en 2020 à 65 % en 2021, mais un écart entre les sexes persiste - 67 % des garçons terminent l’école contre 59 % des filles (UNESCO-ISU, 2023).
Le rapport de l’UNESCO-IIEP place la direction des écoles dans ce contexte éducatif plus large, en explorant son influence sur les résultats d’apprentissage et l’équité en utilisant les données de recensement des écoles. Les résultats d’une analyse économétrique contextualisée révèlent une corrélation positive entre la présence des femmes à la tête des écoles et les taux de promotion dans le primaire ainsi que le taux de réussite à l’examen de fin d’études primaires (CEP). Tous les autres facteurs étant égaux, le taux de promotion moyen est supérieur de 0,93 point de pourcentage dans les écoles dirigées par une femme. Cette corrélation est particulièrement significative pour les filles, dont le taux de promotion est en moyenne supérieur de 1,25 point de pourcentage dans les écoles dirigées par une femme.
Le fait d’avoir une femme comme directrice d’école est lié à des taux de promotion plus élevés pour les filles dans les écoles publiques et pour tous les élèves dans les écoles privées. Lorsque l’on ventile les données par milieu, l’influence positive sur les filles dans les écoles publiques est observée à la fois dans les zones urbaines et rurales, mais elle est plus importante dans les zones rurales.
Malgré leur influence positive, les femmes restent sous-représentées dans la direction des écoles - moins de 18 % des directeurs d’écoles primaires sont des femmes, et les progrès sont lents. Dans plus de la moitié des communes du Bénin, ce chiffre est inférieur à 11 %. Alors que les zones urbaines ont une représentation légèrement plus élevée, les femmes directrices sont plus souvent présentes dans les communes développées et les écoles privées. Elles sont également moins susceptibles d’être affectées dans les zones rurales éloignées.
Les politiques et les mesures spécifiques visant à promouvoir des pratiques efficaces de direction des écoles et à améliorer la représentation des femmes restent limitées. Dans le secteur public, le processus de nomination des directeurs d’écoles primaires est étroitement réglementé, avec des critères fondés sur les performances et la moralité. Toutefois, le manque de transparence de certains critères et étapes d’évaluation compromet les efforts globaux en faveur de la méritocratie et limite les possibilités pour les femmes d’accéder à des postes de direction. La possibilité d’être affecté à n’importe quel endroit sans avoir la possibilité de refuser ou d’exprimer ses préférences personnelles décourage également les candidats, en particulier les femmes.
Des normes socioculturelles profondément enracinées sont à l’origine des disparités entre les hommes et les femmes
Des normes socioculturelles profondément enracinées continuent de limiter les possibilités de leadership des femmes, de les décourager de se porter candidates et d’affecter leurs performances. Ces défis incluent des difficultés à concilier les responsabilités professionnelles et domestiques, une mobilité professionnelle limitée, un accès restreint à la formation, des expériences de harcèlement sexuel, l’affirmation de l’autorité et le manque de confiance en soi
Pourtant, la fonction de directeur d’école primaire reste prestigieuse, offrant une évolution professionnelle et une reconnaissance sociale - des qualités que les femmes apprécient.
Le rapport met en lumière des preuves irréfutables de différences entre les sexes en matière de direction d’établissements scolaires :
- Dans le secteur public, les directeurs et directrices d’école ont des qualifications pédagogiques similaires, la grande majorité d’entre eux étant titulaires du Certificat d’Aptitude Pédagogique (CAP) et enseignant en dernière année d’école primaire (CM2). Dans le secteur privé, les femmes directrices - en particulier dans les zones rurales - sont plus qualifiées que les hommes mais sont souvent affectées à l’enseignement du premier degré.
- Les femmes chefs d’établissement sont moins nombreuses à détenir un diplôme universitaire que les hommes dans le secteur public. Les possibilités d’éducation limitées pour les femmes et les filles expliquent en partie leur faible représentation aux postes de direction, car le vivier d’enseignantes qualifiées est plus restreint.
- Les femmes directrices d’école au Bénin sont généralement mieux organisées, plus rigoureuses et très engagées dans leur travail. Leur approche de l’autorité est différente de celle des hommes, caractérisée par une gestion plus démocratique et une plus grande attention au personnel et aux élèves. L’étude a montré qu’elles étaient mieux équipées pour comprendre et soutenir les filles.
Principales recommandations politiques pour promouvoir le leadership féminin
Combler les lacunes des cadres réglementaires et politiques pourrait améliorer le leadership scolaire et faire progresser l’équité entre les sexes. Le rapport propose certaines des recommandations ci-dessous :
Adopter des politiques de transformation des genres afin de lever les obstacles auxquels les femmes sont confrontées en matière de leadership, en améliorant leur accès et leurs conditions de travail.
Veiller à ce que les nominations soient fondées sur le mérite et sur l’égalité entre les hommes et les femmes, et à ce que les critères de sélection soient transparents.
Rehausser le statut de la direction d’école en officialisant ce rôle par une formation structurée, des cadres de compétences clairs et une rémunération appropriée. Mettre en œuvre la politique nationale relative aux enseignants (PNE) et créer une stratégie spécifique pour le leadership transformationnel en mettant l’accent sur la perspective de genre.
Introduire un système structuré de développement professionnel pour les enseignants et les directeurs d’école, englobant la formation initiale, le mentorat et les initiatives de renforcement des capacités, en mettant l’accent sur l’accessibilité pour les femmes dans les zones rurales et isolées.
Réviser les indemnités de sujétion et offrir des incitations au logement et à la carrière pour attirer les femmes dans les écoles rurales.
Renforcer les mesures de prévention et de lutte contre le harcèlement sexuel, en veillant à ce que les victimes soient soutenues et protégées contre les représailles. Fournir un soutien psychologique et social et sensibiliser la communauté à l’impact du harcèlement sur les femmes, les filles et la société.
Réalisé dans le cadre de l’initiative Women in Learning Leadership - WiLL1, ce rapport met non seulement en lumière le rôle essentiel de la direction des établissements scolaires dans le système éducatif béninois, mais souligne également le potentiel de transformation de l’équité entre les sexes en matière de direction. En s’attaquant aux barrières systémiques et en favorisant des environnements propices aux femmes leaders, le Bénin peut exploiter tout le potentiel de son personnel éducatif et réaliser des progrès transformationnels.
- WiLL est une initiative conjointe du Bureau Afrique de l’IIPE de l’UNESCO, de l’initiative Gender at the Centre (GCI) et du Bureau mondial de recherche et de prospective Innocenti de l’UNICEF, qui se concentre sur le rôle des femmes aux postes de direction dans l’enseignement primaire et examine les défis et les possibilités de promouvoir une direction efficace des écoles et une plus grande représentation des femmes dans les instances de l’éducation. Dans le cadre de cette initiative, le travail WILL- "Advancing Gender-Responsive Education using Evidence" a été soutenu par le Partenariat mondial pour l’échange de connaissances et d’innovations en éducation, une entreprise conjointe avec le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), Canada.