Comment peut-on développer des leaders en alphabétisation afin qu'ils disposent de la recherche et soient suffisamment préparés pour relever les défis mondiaux en alphabétisation?

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La pertinence des actions d’alphabétisation transcende la simple maitrise des connaissances instrumentales. Elle peut mieux s’apprécier à travers son impact dans la vie des populations, en termes d’autonomisation, de production d'effets multiplicateurs sur le niveau d'amélioration des revenus des personnes alphabétisées, de leurs conditions d’existence  et de travail, ou encore à partir de leurs contributions efficaces à la réalisation du développement durable, aux divers plans social, culturel et économique… de leur milieu.  C’est pourquoi, l’alphabétisation doit être davantage liée aux initiatives de développement local qui exigent son utilisation et en développent l’usage.

En effet, l’accélération de la croissance économique qui doit permettre l’émergence de nos pays, passe nécessairement par la valorisation du capital humain dans toutes ses composantes. Une telle vision de l’alphabétisation en tant que levain du développement interpelle la communauté internationale sur la nécessité de la soutenir et d’aider les leaders du domaine à mieux faire face aux défis mondiaux en alphabétisation.

Mais quels sont les leaders en alphabétisation, quels sont les défis majeurs auxquels est confronté l’alphabétisation ?  Et comment renforcer les capacités des leaders, afin qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle et relever les défis?

C’est autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre dans ce court passage.

Les leaders en alphabétisation peuvent être des personnes physiques ou morales, des pays, des institutions qui ont un niveau de rayonnement, de charisme et d’ascendance  qui leur permet d’influencer, de canaliser ou d’orienter les autres  de manière naturelle, sans contrainte, vers les bonnes issues, sur les voies de la réussite collective, c'est-à-dire la victoire sur l’analphabétisme et l’ignorance des populations.

A l’analyse, on se rend compte qu’un tel rôle n’est pas aisé et requiert une mise à jour en permanence des connaissances, en matière de pratiques d’alphabétisation au plan national, régional ou mondial. Ce rôle de leader  nécessite un renforcement de capacités, afin de maintenir vivaces les sources du pouvoir de leadership (pouvoir d’ascendant  personnel, pouvoir du savoir et du rôle). Il impose aussi, l’institutionnalisation de cette façon d’aller continuellement d’un point à l’autre en fonction des évènements, avec l’ensemble des autres acteurs et actrices qui partagent ce même centre d’intérêt, dont les défis sont si immenses.

Le leadership suppose en effet, l’existence de partenariats au centre desquels l’appui politique des autorités constitue un facteur déterminant. Le  leadership politique appelle l’implication des plus hautes autorités du pays, voire  du continent ou du monde qui doivent soutenir l’alphabétisation de manière explicite, en tant qu’élément de leur programme de développement stratégique.  Dans cette vision, le leadership politique peut mieux placer les objectifs de l’alphabétisation à un niveau élevé de consensus, bien au-dessus de clivages politiques,  idéologiques ou religieux.

Cette disposition facilite le « décloisonnement » des entités territoriales, favorise le réseautage à l’image des Pôles de qualité inter-pays de l’ADEA, et la solidarité d’actions des pays, pour mieux conduire  l’éradication de l’analphabétisme.

L’analphabétisme dit-on est un phénomène transfrontalier et plusieurs  défis auxquels sont confrontés les pays dans ce domaine peuvent également présenter des similitudes. Ces multiples défis ont trait notamment à la communication entre acteurs et actrices, aux contenus et langues d’alphabétisation, au financement des programmes, à la maitrise des statistiques et de l’ampleur du phénomène d’analphabétisme, à la validation des acquis, à la post alphabétisation, au  développement de l’environnement lettré ou la lutte contre le retour à l’analphabétisme, etc..

Cependant les spécificités et l’ampleur variable des défis d’un contexte à l’autre, demeurent une réalité. C’est la raison pour laquelle, la formulation des réponses à apporter pour relever chacun des défis, constitue elle-même un défi majeur pour les leaders. C’est également pour cette raison, que la flexibilité demeurera toujours un des principes constitutifs du socle sur lequel doivent reposer les actions d’alphabétisation. En d’autres termes, il n’existe pas une seule expérience qui soit applicable de manière identique dans tous les contextes ; d’où la nécessité de contextualiser l’alphabétisation, d’adapter les modèles ou les stratégies d’alphabétisation, en fonction des caractéristiques du milieu et des apprenantes.

Le leader en alphabétisation qui est sensé jouer le rôle de catalyseur et qui doit orienter l’ensemble vers la meilleure issue doit dans un tel contexte redoubler d’efforts, en vue d’élever de manière constante son niveau personnel de compétence, de mieux capitaliser les bonnes pratiques et les expériences réussies en matière d’alphabétisation dans le monde.
L’accès aux résultats de la recherche, constitue un moyen parmi tant d’autres, pour renforcer les capacités techniques des leaders en alphabétisation. Toutefois les conditions d’accès à ce potentiel recouvrent un certain nombre d’obstacles qu’il faut d’abord niveler. Il s’agit entre autres de :

  • La valorisation financière, de type commercial des résultats de la recherche :

La plupart des résultats de recherche ne sont pas publiés gratuitement. Il faut donc disposer de ressources financières conséquentes pour  les acquérir avant de pouvoir les  exploiter.

  • Les barrières linguistiques :

Plusieurs résultats de recherche se trouvent publiés dans une seule langue qui n’est pas nécessairement celle des leaders. Cette situation  impose la traduction systématique de tels documents dans la langue qu’ils maîtrisent.

En effet, il s’agit là d’un obstacle  majeur au partage d’expériences et de bonnes pratiques en alphabétisation. A titre d’exemple, le Pôle de qualité inter-pays de l'ADEA sur l’alphabétisation et les langues nationales (PQIP-ALN) est multilingue. Trois langues, à savoir l’anglais, le français et le portugais sont utilisées dans l’espace du Pôle comme langues de communication internationale. Ce multilinguisme constitue certes une richesse pour le Pôle, mais le partage d’informations, de connaissances entre les pays membres demeure un défi à relever.

  • La participation des leaders aux rencontres ou fora de haut niveau sur l’alphabétisation :

La mise à disposition des leaders d’une documentation abondante ne suffit pas pour  résoudre le problème d’information/formation des leaders. Leur participation aux instances de restitution des conclusions de certaines recherches, ou  à la validation de certains résultats de recherche portant sur les stratégies d’alphabétisation, pourrait se révéler plus  fructueuses, dans la mesure où ces rencontres leur offriraient des possibilités d’interaction avec les auteurs, les chercheurs.

  • La participation des leaders à certains travaux de recherche sur l’alphabétisation :

La participation des leaders à la mise en œuvre de certains travaux de recherche constitue une stratégie d’appropriation et d’actualisation des informations ou données sur l’alphabétisation dans le monde,  sur les multiples innovations en cours dans le système éducatif formel et notamment dans le secteur de l’éducation/formation non formelle  des adolescents ou des adultes.

Cette démarche pourrait contribuer également à une meilleure valorisation des résultats de la recherche.

Par ailleurs, il s’agit là d’une démarche participative qui à la longue, va susciter au niveau des leaders eux-mêmes, le goût de la recherche,  une meilleure interrogation des pratiques d’alphabétisation et un suivi plus systématique de l’évolution dudit domaine dans les pays respectifs.

Le rôle de leader n’est pas aisé, surtout quand nous nous situons dans le domaine de l’éducation (alphabétisation) où la diversité croissante des besoins de formation amplifie conséquemment les défis à relever et implique des actions soutenues de réajustement permanent des stratégies d’intervention. Un renforcement des capacités des leaders qui constituent « la locomotive » dans la dynamique d’éradication de l’analphabétisme, source de misère et de vulnérabilité des populations, est nécessaire et est même vivement souhaité. Il convient cependant de noter que les  membres qui participent à cette lutte, qu’il s’agisse d’individus ou de pays, aspirent tous à l’émergence, pourquoi pas au rang de leaders.  Dans une organisation comme celle du Pôle de qualité interpays sur l’alphabétisation et les langues nationales, où le souci majeur est la réussite collective, le renforcement des capacités, en termes d’ouverture sur l’évolution du secteur de l’alphabétisation, d’accès aux informations, aux résultats de recherche est un besoin de l’ensemble des pays membres.

Chacun des pays membres est en effet conscient des avantages que permet l’ouverture aux autres, à leurs expériences réussies, aux publications des résultats d’études ou de recherches sur les pratiques d’alphabétisation, car il s’agit là de repères ou d’indications utiles  qui constituent des sources d’inspirations fécondes pour envisager avec sérénité les réformes souhaitées.

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