Revaloriser la profession enseignante en Afrique: l'ADEA appelle les enseignants à adopter l'auto-réflexion et un lien plus profond avec les apprenants dans un premier temps

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"Un fil conducteur qui relie toutes les initiatives visant à redonner une valeur supérieure à la profession enseignante en Afrique et où le travail doit commencer est la réflexion interne des enseignants - qui englobe délibérément l’aspect intrinsèque de la motivation vers l’autonomisation ..."

Tel était le principal  message du Secrétaire Exécutif par intérim de l’Association pour le Développement de l’Education en Afrique (ADEA), M. Shem Bodo, dans son discours liminaire lors de la 10e Conférence de la Confédération Africaine des Directeurs (ACP) du 6 au 10 août 2018 à Mombasa, Kenya.

La conférence, officiellement ouverte par S.E. M. Uhuru Muigai Kenyatta, Président de la République du Kenya sur le thème «Éduquer l'enfant Africain: revaloriser la profession enseignante», a rassemblé des milliers de directeurs d'écoles secondaires et d'éducateurs de l’ Afrique du Sud, Ghana, Kenya, Lesotho, Malawi, Nigeria, Ouganda, Rwanda, Swaziland et laTanzanie. Le président Kenyatta a souligné l’importance du panafricanisme et de l’unité - enseigner aux enfants qu’ils sont d’abord des Africains, le caractère critique d’une éducation inclusive et de qualité pour parvenir au développement durable et un système éducatif qui produit des diplomés capable de répondre aux exigences du marché du travail, transformant ainsi la richesse de l'Afrique en richesse des Africains. Le président a exhorté l'ACP à demander le statut d'observateur au sein de l'Union Africaine, en promettant de soutenir une telle initiative.

Dans son discours liminaire, M. Bodo a d'abord présenté la vision de l'Association et sa nouvelle stratégie de promotion de politiques et de pratiques innovantes par la mise en commun et la diffusion d'idées, d'expériences, de connaissances et de savoirs reposant sur deux piliers: Plateforme continentale de l’éducation & Services de conseil et d’appui à l’exécution. Cette nouvelle stratégie vise à donner aux pays africains les moyens de développer des systèmes d’éducation et de formation qui répondent à leurs besoins émergents et stimulent durablement la transformation socio économique de l’Afrique. Il a également cité les sous-secteurs de l'éducation segmentés, la faible capacité à mettre en œuvre efficacement les réformes éducatives, l'émergence et le dynamisme de la technologie, la faible crédibilité sociale de la profession et les faibles niveaux de satisfaction professionnelle des enseignants comme certains des défis systémiques auxquels l’éducation en Afrique est confrontée.

M. Bodo a en outre noté la place de choix que l'Union Africaine a accordé à la profession enseignante, le développement des enseignants étant le premier des 12 objectifs stratégiques de la Stratégie Continentale de l'Education pour l'Afrique 2016-2025 (CESA 16-25). De son côté, l’ADEA a consacré un Pôle de Qualité Inter-Pays (PQIP) spécifique dirigé par le Rwanda, qui traite des aspects de l’enseignement et de l’apprentissage, et coordonne le Réseau pour l’évaluation de l’apprentissage en Afrique (NALA) avec la Zambie et le Sénégal en tant que co-leaders. Les précédents forums de dialogue politique de haut niveau, tels que la Triennale 2017 de l'ADEA, ont placé les questions des enseignants et des valeurs au centre du discours.

Reconnaissant et saluant les nombreuses initiatives en cours visant à redonner un plus grand statut à la profession enseignante (récompenses à caractère monétaires et non monétaires; délégation accrue de responsabilités et d'attribution d'équipe; changement de pédagogie en faveur d'approches plus centrées sur l'apprenant dues en partie aux TIC et l'accès gratuit à l'information, en expliquant la forte corrélation existant entre l'intelligence émotionnelle du directeur d'école et le rendement scolaire; formation des enseignants et développement professionnel continu; programmes d'autonomisation des enseignants et de motivation intrinsèque; etc.), le Secrétaire Exécutif par intérim de l'ADEA a noté que la véritable transformation doit commencer par l'introspection de l'enseignant dans le cadre de l'autonomisation. Ceci en plus d'embrasser une spiritualité qui facilite une connexion plus profonde avec l'apprenant et le sujet.  Comme transcendance dans l’apprentissage, un fil conducteur qui permet aux enseignants de se sentir comme chez eux et une intégrité qui favorise la compassion, une telle spiritualité permet la conscience de soi, la présence et le niveau d’engagement solide de la part de l’enseignant, demeurant ainsi aux yeux de l'apprenant un influenceur, un facilitateur et un protecteur respectés et digne de confiance. Cela signifie que l'apprenant doit comprendre la plus grande valeur de l'apprentissage et le fait que cela peut potentiellement "construire" ou "détruire" les sociétés futures, impactant ainsi la durabilité de diverses manières. La société commencera alors à voir la valeur de cette profession et à agir en conséquence, lorsque l'apprenant est au centre de ses préoccupations et lorsque l'enseignant ressent, agit et dégage une aura d'autonomie.

En termes de soutien à cette cause de la revalorisation de la profession enseignante en Afrique, M. Bodo a formulé certaines recommandations de l’Union Africaine, telles que faire en sorte que les enseignants puissent s’exprimer; investir dans la revalorisation de leur statut et de la profession; fournir les avantages appropriées pour renforcer la motivation des enseignants; et améliorer et expandre continuellement des programmes de développement professionnel pour reconnaître que l'enseignement est une profession permanente et que les enseignants ont besoin d'opportunités d'apprentissage tout au long de la vie. Il a exhorté les gouvernements africains à coordonner efficacement tous les acteurs qui appuient la formulation ou la révision des politiques publiques relatives aux enseignants et à l'enseignement, afin de passer de l'enseignement à la pédagogie; améliorer le statut des enseignants à travers la formation pédagogique, l'évolution de carrière, des liens plus étroits avec la recherche et à la reconnaissance publique; et créer un environnement propice à une plus grande collaboration entre les enseignants, les apprenants et les décideurs.

Au-delà des rôles traditionnels de plaidoyer et de négociation dans la formulation et la mise en œuvre des politiques et de négociation collective des droits du travail et des conditions de travail, les syndicats d'enseignants et autres représentants des enseignants doivent élargir leur contribution au dialogue social pour examiner l'institutionnalisation de l'autonomisation des enseignants par des programmes de formation institutionnalisés. En raison du lien étroit entre l'intelligence émotionnelle et les performances scolaires des directeurs, ces derniers peuvent aider à créer une avancée significative d'enseignants autonomes qui connectent leur école au monde, tandis que les partenaires de développement, les secteurs privés et la société civile peuvent apporter un soutien technique et financier aux projets d'autonomisation des enseignants alignés sur les plans et programmes du gouvernement. Enfin, des organisations régionales telles que l'ADEA seront en mesure d'identifier des initiatives d'autonomisation des enseignants, à travers des études, qui pourront être développées et/ou reproduites et présentées dans des forums de dialogue politique de haut niveau.

M. Bodo a conclu son allocution en rappelant aux directeurs que le point de départ et la première ressource pour les stratégies de motivation des enseignants doivent être les enseignants eux-mêmes. Cette conférence, organisée conjointement par le Ministère de l'éducation du Kenya; l'Association des chefs d’établissements secondaires du Kenya; et la Commission au service des enseignants du Kenya, a permis à l’ADEA de réaffirmer son rôle important en tant que voix de l’éducation en Afrique. Le Kenya a reçu le rôle de leadership de la Confédération par l'Afrique du Sud et par le président national de l'Association kényane des chefs d'établissement, Indimuli Kahi, et a officiellement pris la présidence des ACP après Thembekile Ndlovu de l’Afrique du Sud.

À propos de la Confédération africaine des directeurs

La Confédération africaine des directeurs (ACP) est un organisme de tutelle des directeurs d’écoles africains qui se réunissent deux fois par an. ACP fournit aux directeurs un forum de développement professionnel, d’étude comparative et de partage d'expériences pour le développement d'écoles africaines compétitives au niveau mondial tout en promouvant des communications continentales efficaces favorisant l'échange d'idées, de projets, de pratiques éducatives et de partage d'expertise professionnelle.

Pour plus d'informations, veuillez contacter Shem Bodo (s.bodo@afdb.org) ou visitez le site web www.acponline.africa